3 extraits :

extrait chap 1 - Marion et son mari Jérôme

extrait chap 10 - Soirée entre filles chez Claire.

extrait chap 38 - Marion et son (futur ex ?) mari.

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chapitre 1 - Marion et son mari Jérôme

- La fidélité est un concept aussi dépassé que le Minitel.
Morphée ne m'ayant pas totalement rendue à la vie, c'est un regard ahuri que je lance à mon cher mari, par-dessus une tasse de café. Mon caractère vindicatif est pourtant déjà au garde-à-vous :
- Pourquoi ? D'après toi, nous sommes ringards et il faudrait faire un effort pour suivre la mode?
- Je veux juste dire qu'en quinze ans, on évolue forcément.
- Ton frère porte les mêmes chemises hawaïennes depuis ses dix-sept ans.
- Je parle de notre couple qui ronronne.
- Parle pour toi ! Personnellement j'éprouve la même passion pour toi qu'au premier jour. Mais l'amour c'est comme un slow, c'est plus agréable à deux.
Mon flot de paroles déversé d'un ton détaché n'a d'autre but que de détourner la conversation. De manière très maladroite et surtout inutile puisque j'use de cette stratégie avec Jérôme depuis toujours. C'est pourquoi il poursuit sans tenir compte de mes remarques (qui, j'espère, resteront inscrites dans un coin de son cerveau) :
- C'est utopique et prétentieux de croire que deux personnes peuvent s'aimer passionnément pendant quinze ans sans connaître le moindre problème.
Je persiste dans ma phase de surdité conjugale :
- Faux ! La France vieillit et le troisième âge s'éclate. Avant, on nous exposait des gamines de vingt ans pour vanter l'efficacité de crème anti-rides. Eh bien, hier, j'ai vu une publicité montrant un couple de quinquagénaires, à moitié nus, assis devant un frigo ouvert, se nourrissant mutuellement de grains de raisin, et ce n'était pas les préliminaires d'un repas.
- Marion, c'est de la fiction. Dans la vie, ça existe uniquement lorsque le couple se connaît depuis un mois, au grand maximum.
- Oh… alors si je prévois de manger des raisins à deux, affalée sur le sol de ma cuisine lorsque j'aurai cinquante ans, je devrai te quitter ?
Il ouvre de grands yeux :
- Mais c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! C'est moi qui te parle de passion, ou plutôt du manque de passion, et tu te poses en victime !
Levée de bouclier de mon côté, non pour le combat, mais pour me cacher derrière :
- Personne ne manque de passion dans cette pièce.
Je suis aussi crédible qu'une mère supérieure présentant fièrement les sœurs du couvent avec un tonitruant « Et elles pourraient remplacer au pied levé les danseuses du Crazy Horse ».
Jérôme semble tout à coup très las. Il reprend, avec le ton du professeur qui répète pour la dixième fois, une explication pourtant simple, à un élève totalement demeuré :
- Nous allons prendre le problème sous un autre angle. Imaginons, qu'il y a quelques mois, tout en restant amoureux de toi, j'ai été attiré, une seule fois, par une autre femme. C'est juste un exemple, (s'empresse-t-il d'ajouter avant que la foudre ne lui tombe dessus). Ma question est donc : si je t'avouais aujourd'hui cette infidélité passagère, regretterais-tu tous les moments passés ensemble depuis ?
- Tout d'abord, je ne vois pas pourquoi tu emploies le mot « problème ». Ensuite, une infidélité n'est passagère que dans les faits, mais elle reste inscrite à jamais sur le fronton de la couche conjugale (en cet instant, il me semble nécessaire de faire théâtral). Et la pauvre victime aura beau poncer mentalement cette inscription, ses efforts seront inutiles. Même le meilleur des produits du télé-achat n'arrivera pas à effacer la phrase « il t'a trompée une fois, il recommencera » (je me lève pour inscrire la phrase dans les airs). Mais, pour revenir à nous, si tu m'avais trompé, je m'en serais aperçu.
- Et dans le cas contraire, tu voudrais savoir ?
Mon ventre se durcit sous l'effet de la colère (à moins que ce ne soit de la peur ?). Je pose les deux mains sur la table et plante mes yeux dans les siens, tel un politique voulant marquer son auditoire. Ma réplique doit être mémorable.
- Si tu as du linge sale, tu le laves tout seul.
La hargne accompagnant cette phrase hautement philosophique indique clairement que je n'évoque pas ses dessous.
- Très bien. Tu changes donc de discours.
- Quel discours ?
- Un jour, on s'est juré de tout se dire. Tu as même ajouté : si tu me trompes, je te tue.
Le sourire qu'il affiche me rappelle combien cet accès de passion avait flatté son ego. Aujourd'hui, il ne semble pas redouter un assassinat sur sa personne. Aussi, l'angoisse qui avait enserré mes entrailles se retire peu à peu. Je regarde ma montre et reprends mes esprits :
- Bon, la seule chose dont je sois certaine, c'est que si Pauline ne sort pas de la salle de bain, je vais être en retard.
- Oui, c'est ça, sauve-toi.
Je ne saurais dire si cette remarque est à prendre au sens propre ou au figuré.

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chap 10 - Soirée entre filles chez Claire.(Resituons cet extrait : Claire évoque sa liaison avec Simon, un collègue marié, alors que Marion n'a pas encore "avoué" à ses amies que Jérôme l'a trompée).

Quinze jours après l'aveu.

Il va bien falloir que j'y retourne. Je me donne encore cinq minutes pour explorer la cuisine de Claire à la recherche de petits parapluies à cocktails pour les deux hystériques du salon. Je dois échapper à une nouvelle version de la rencontre Claire-Simon.
- Marion, arrête de chercher, nos verres sont déjà vides.
Claire et Sophie pouffent. Je soupire. La soirée risque d'être très longue ! Je retourne au salon, aussi enthousiaste qu'un patient s'installant dans le fauteuil du dentiste.
Sophie déclare :
- De toute manière, un homme qui va voir ailleurs n'est pas heureux avec sa femme. Elle doit être ennuyeuse ou caractérielle.
Là, j'ai la fraise sur une carie, sans anesthésie.
-… mais il risque de rester avec elle juste pour ne pas la faire souffrir.
Soupir de Claire :
- Et moi je suis la méchante qui risque de foutre en l'air toute une famille.
Sophie, rassurante :
- Mais non, d'ailleurs le mot « maîtresse » n'est pratiquement plus employé, on parle d'extra.
- Génial, on dirait un hamburger de chez Mac do !
- Oui, mais dans ton cas, on parlera d'un « Extra Deluxe ».
Claire attrape stoïquement la bouteille de punch et je tends mon verre avec compassion.
- Eh les filles ! C'est pas vous qui êtes trompées !
Le dentiste fou est revenu et me plante sa roulette dans le cœur.
J'étudie mon verre dans lequel flotte toute la légèreté, la spontanéité et l'érotisme d'un « extra ». Claire observe le sien, lui dévoilant la sécurité, la douceur, le vécu partagé et la simplicité contenus dans une alliance.
- Marion, aide-moi. Même si les « extras » ne risquent pas de faire partie de ton couple, tu pourrais…
- Ah bon ?! Et pourquoi ?!
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi je n'aurais pas mon « extra » ? Ou, plus drôle : pourquoi Jérôme n'aurait pas le sien ?
- J'imagine mal Jérôme plaquer une fille contre un mur et lui glisser la main sous la jupe !
Leurs rires augmentent l'ardeur du dentiste. J'arrache la roulette et hurle :
- C'est pourtant ce qu'il a fait avec Sonia !
Le fou rire cale net. Elles me jaugent puis paniquent :
- Quand ? Pourquoi ? Avec qui ?
- On s'en fout ! Il l'a fait, c'est tout !
Claire insiste :
- Quand même, il y a bien une raison…
D'un regard, Sophie réduit l'institutrice au silence et me prend la main comme si je venais de me faire jeter de la Star Academy.
- Qu'est-ce que tu vas faire ?
- L'embrocher et fuir à Tahiti.
Elles ne semblent pas convaincues. Claire poursuit :
- Tu dois prendre une décision.
Son regard anxieux semble me supplier : « Dis-moi que tu vas t'effacer devant la merveilleuse histoire d'amour que ton mari vit avec cette fille certainement sublime. »
- Je ne sais pas. Ça s'est passé une seule fois, il y a quatre mois, avec Sonia, une chargée de communication de sa boîte…
Deux énormes soupirs envahissent la pièce.
-… mais ce n'est pas rien !
Sophie retire sa main.
- C'est plus un « raté » qu'une infidélité.
- Ah non, je peux t'assurer que, d'après les explications de Jérôme, le mot « raté » ne convient pas du tout ! Et ne me ressors pas ta définition des compromis !
- Dans ton cas, il n'y a pas de compromis à faire, juste une petite adaptation…
- Alors, dans mon cas, il n'y a eu ni infidélité ni compromis, seulement un petit raté nécessitant une petite adaptation ?! Et dans ton dictionnaire, la définition de l'amitié, c'est « une petite relation sans compassion » ?
Claire se lève et murmure :
- Il fait froid, je vais mettre une veste.
Vu l'ambiance, elle devrait plutôt prendre une doudoune. Seule, face à Sophie, je me sens toute bête. Mais elle est plus rapide que moi.
- Excuse-moi. Je sais que c'est un choc… Enfin, je veux dire que je me doute que ce n'est pas facile. Pourquoi tu n'as rien dit ?
- Je le sais depuis deux semaines seulement. Excuse-moi pour mes remarques débiles. Je suis un peu sur les nerfs…
Retour de la main, avec sourire en prime.
- J'imagine que depuis deux semaines, chez toi, c'est pas la fête ?
- On s'en tire pas trop mal.
- Tu peux mettre un couvercle sur une casserole, l'eau qui bout finit par l'éjecter.
- C'est un proverbe chinois ?
- Non, juste une image.
- Tu devrais vraiment le faire, ton dictionnaire ; tu as déjà les citations pour les pages centrales !
- Moque-toi, c'est bon signe ! Tu ne vas pas le quitter, j'espère ?
- Pour être sincère, je n'arrive pas à réfléchir. J'hésite entre le tuer, le séduire à nouveau… ou prendre un amant.
- Oublie la première solution, les grenouilles sont interdites en prison.
- Tu vas me conseiller la seconde…
- En passant par la troisième.
Retour de Claire, légèrement inquiète :
- Vous en êtes où ?
- J'indique à Marion la voie à suivre pour reconquérir son homme.
- Et elle n'a pas choisi le chemin le plus court !
- Mais sur ce chemin-là, tu pourras cueillir plein de fruits sucrés…
S'ensuit une ode à l'infidélité (pardon, aux « petits plaisirs entre amis ») de la part de Sophie. Elle avance moultes exemples, trouvés, d'après elle, dans plusieurs magazines féminins. Mais la précision des détails donne à son récit un air de vécu. Aurais-je débusqué Mata Hari ?

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chapitre 38 - Marion et son (futur ex ?) mari.
Deux mois et vingt-neuf jours après l'aveu. 23 h 50.

Je trouve Jérôme en train de taper sur son ordinateur. Je me penche sur l'écran, mais il a déjà quitté l'application qu'il utilisait. Je me moque de lui.
- Tu écris tes mémoires ou tu envoies un mail à ta maîtresse ?
Il ne prend pas la peine de répondre et me dévisage avec sérieux.
- T'as passé la soirée avec qui ?
- Si je te le dis, tu penseras que je bluffe, alors…
- Pas avec un sourire comme ça.
- Et voilà ! Une femme qui sourit vient forcément de coucher avec un homme ! C'est ça ?!
- C'est toi qui le dis, pas moi.
- Eh bien non ! Figure-toi que j'ai passé une belle soirée en restant assise. Pour un homme, ça ne peut être qu'une soirée télé-foot, mais pour une femme, ça signifie restaurant romantique.
- Donc, il y a un homme qui a aussi passé une belle soirée sans s'allonger. Nous ne sommes donc pas tous des brutes épaisses.
Je ne saurais dire s'il plaisante ou non.
- Heureuse que tu trouves mon ami sympathique.
- Si vous n'avez pas couché ensemble, j'en déduis qu'il est très moche.
- Un mélange de mister France et du champion de taekwondo. D'ailleurs il est ceinture noire de judo.
- Et il a bac + 12 ?
- Plus 4. Il est consultant en management. Et le soir, il s'occupe du club de sport de son quartier.
- Et sa femme l'a quitté parce qu'elle ne supportait plus de vivre à côté d'une telle merveille ?
- Elle avait peut-être des problèmes personnels.
Il éclate de rire. Je le défie du regard et demande :
- Je peux savoir ce qui est si drôle ?
- On dirait un téléfilm américain : un gentil bellâtre séduit une romantique héroïne. Puis, la voisine du bellâtre débarque en accusant l'homme d'avoir tué son ex-femme, mais personne ne la croit. Tu devrais retrouver la voisine avant de finir découpée en morceaux.
- Merci de me conseiller dans mes relations avec les hommes.
- Qui mieux qu'un homme pourrait le faire ?
- Et tu as d'autres conseils ?
- Oui. Ce soir, il t'a ferrée avec sa canne à pêche. En ce moment, tu es dans le seau d'eau, encore en vie, à portée de sa main. La prochaine fois, il pimente la soirée et tu passes à la casserole. Quand il ne lui restera que les arêtes, il jettera le tout à la poubelle.
- Merci pour cette leçon de cuisine. Qu'est-ce qui te dit que ce n'est pas moi qui n'en ferai qu'une bouchée ?
- Tu connais l'histoire de la grenouille qui se prenait pour un bœuf ?
- Qui a éclaté à force de vouloir gonfler ? Tu veux dire que je ne suis pas capable de me prendre pour un homme ?
- Tu es bien trop entière.
- Pas assez subtile ?
- Non, pas assez hypocrite.
- Comme tu es un homme, je dois en conclure que tu es hypocrite ?
- Je suis l'exception qui confirme la règle.
- Coucher avec Sonia, c'était pas hypocrite ?!
- C'était l'exception de l'exception qui confirme la règle.
- Tu viens de me rappeler que pour agir comme un homme, je dois également apprendre la mauvaise foi.
- Et ne plus te laisser attendrir par le moindre compliment.
- Tu peux développer ?
- Les femmes reprochent aux hommes leur manque d'attention, et dans le même temps, elles s'occupent d'eux comme s'il s'agissait d'enfants attardés et pardonnent tous leurs mauvais comportements. Bon, je ne dis pas ça pour toi ! Mais je pense que si les femmes s'imposaient plus, les hommes les respecteraient davantage. En tout cas, c'est ce que j'aime chez toi.
- Tu trouves que je m'impose ?
- Tu es attentive à être respectée et c'est une bonne chose. Et j'espère que tu garderas toujours ce recul et que tu ne deviendras jamais le genre de fille qui gobe tout ce qu'un mâle lui dit, simplement parce qu'il lui a tenu la porte au restaurant.
- Waouh ! Il y a un lien cosmique entre tous les cerveaux masculins de la planète ? Vous adoptez tous le même comportement avec les femmes ?
- Prends un chat d'appartement élevé seul depuis ses deux mois et mets une souris à trois mètres de lui. Tu auras un bel exemple de ce qu'est l'instinct.
- Je travaille sur des animaux, alors je sais ce qu'est l'instinct !
- Parce que tu crois que dans une boîte d'évènementiel, il n'y a pas de bel exemple de comportement animal ? Tu sais ce que m'a dit Jacques, à la fin de la dernière soirée que j'avais mis deux mois à organiser ?
- Tiens, ça faisait longtemps que tu n'avais pas parlé de ton patron. Il t'a félicité ?
- Tu plaisantes ! Il m'a fièrement dit : « Ce soir, j'ai attrapé une petite jeune. » Il a dit « attrapé », comme pour une perdrix !
- Mais il est marié !
- C'est tout ce qui te choque ! Marié ou pas, c'est un terme qu'on emploie pour une proie, pas pour une femme !
- J'en ai assez entendu pour ce soir. Je vais me coucher.
Je me dirige, dépitée, vers la chambre, quand il me lance :
- Mais, ma chérie, c'est le monde des hommes. Tu devras t'y faire !
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